Il y a encore quelques années la New-Wave était moquée par les amateurs de rock, avec des synthés kitchissimes et des looks vestimentaires plus que saugrenus. Aujourd'hui c'est devenu cool la New Wave, on remerciera Hollywood avec sa tendance à surfer sur la nostalgie 70's et 80's (Ready Player One, c'est toi que je regarde).
On ressort nos plus beaux vinyles de Depeche Mode, on écoute du Joy Division et The Cure parce qu'on est torturés au fond de nous et on danse en soirée sur du Indochine parce qu'on sait tous qui est le maître de la Terre.
Nous connaissons un revival de la New Wave avec ses sous genres (Synthwave et Darkwave) et lorsque mes oreilles sont bercées par ses claviers si caractéristiques de cette époque, je me rappel, amusé, que plus jeune je n'aimais pas la New-Wave.
Jeune métalleux, j'avais l'habitude de vivre des combats épiques à dos de dragons sur du Hammerfall, Blind Guardian et autre Helloween. Même si j'aimais bien quelques titres, la New-Wave n'avait aucun impact sur moi et c'était avec mépris que je l'ignorais jusqu'au jour où un groupe de cinq gars de Liverpool m'ont flanqué une gifle (avec le retour qui va avec) avec, pour moi l'album le plus important du genre : Welcome To The Pleasuredome de Frankie Goes To Hollywood.
Le groupe (dont le nom est inspiré d'un titre de journal parlant d'un voyage de Frank Sinatra à Hollywood) fait la rencontre du producteur Trevor Horn (Ex Buggle ; Ex Yes) en 1983 et les produit sur le label ZTT records. Cette même année FGTH sort le single incontournable « Relax » avec ses paroles et sa pochette choquantes et le clip réalisé par Brian De Palma, qui sera un véritable succès.
Welcome To The Pleasuredome sort en 1984 et devient un disque culte de la New Wave, avec des thèmes traitant de politique, de sexe, de guerre et de religion. Le combo britannique avait pour originalité à l'époque d'assumer publiquement l'homosexualité de certains de ses membres (Holly Johnson et Paul Rutherford). Le contexte dans les 80's est propice à l'éclosion pour la reconnaissance de cette tranche de la population, mais nous reviendrons sur ce sujet en fin de chronique. Passons tout de suite au gros morceau qui arrive au début du disque, le titre éponyme.
Passé l'intro majestueuse avec cette phrase qui me surprendra toujours 'The World is my oyster' ('Le monde est mon huître') nous sommes partis pour un titre fleuve de 13 minutes. Et l'ambiance, mon dieu ! Cette ambiance est tellement immersive. L'introduction joue avec notre perception, on entend des oiseaux et des insectes qui volent dans une jungle touffue jusqu'à que l'un des chants d'oiseaux se transforment en note de synthé. Et puis boum ! Une basse ! Une basse slapée par Mark O' Toole qui groove comme jamais, c'est l'instrument qui tient tout le morceau. Et pourtant Dieu sait qu'il est riche essayant autre chose qu'un simple couplet-refrain-couplet-refrain, « Welcome To The Pleasure dome » est enrichi par des guitares électriques/acoustiques, des violons électriques, des chœurs masculins 'Ho Haa Ho Haa', des chœurs féminins qui n'apparaissent qu'au milieu de morceau, de l'harmonica et autres percussions et tout ça sans cassé le rythme. Holly Johnson est impérial au chant, il vit ses paroles et après un rire machiavélique il nous souhaite la bienvenue… dans le dôme du plaisir.
Car oui le thème de ce titre est l'acte sexuel. Les paroles sont provocatrices non sans une certaine subtilité : 'A pleasuredome erect' ; 'There goes a supernova' ; 'Shooting stars never stop' sans oublier le refrain efficace 'Welcome to the pleasuredome/on our way home/ going home where lovers roam'. 'Bienvenue dans le dôme du plaisir/sur le chemin du retour / allant dans notre foyer où les amoureux errent'. Personnellement, c'est la meilleure chanson parlant de sexe avec la plus grande des classes (britannique évidemment). Une libération des mœurs total qui se ballade pendant tout l'album.
Welcome To The Pleasurdome est un album avec son propre univers, sa propre logique qu'il faut considérer comme un tout. Ce qui fait ressentir ça c'est d'abord ce 'Welcome' des enfers et la réutilisation de certains éléments dans l'album : 'Life goes on day after day' extrait du titre éponyme que l'on retrouve dans le titre « Ferry (Go) » ou un 'Yeah' bien spécifique (dans The World is my Oyster, Two Tribes et Black Night White Light).
Un album cohérent mais qui sait se diversifier. Certes il est principalement New Wave mais sait être rock « Born To Run » et même samba « San José ». Et en plus Frankie a des choses à dire, des choses sérieuses comme la Guerre Froide avec « Two Tribes », le clip est explicite là-dessus ou la reprise de « War » d'Edwin Starr parlant de la vacuité de la guerre.
J'ai déjà parlé de la sexualité qui règne sur cet album (« The Ballad Of 32 ») mais s'arrêter à ce constat est une énorme bêtise car le disque est d'une grande beauté. Pourquoi ? Parce que Power Of Love. Peut-être la plus belle chanson d'amour avec un grand A. Elle peut très bien parler d'amour dans une famille, entre deux amoureux ou deux amis. Écoutez absolument cette chanson avec les paroles. Elle désamorce tout ce qui a été fait avant elle comme si elle nous disait : « oubliez les guerres, le sexe, la violence, tout ce qui compte c'est l'amour » ('Make Love Your Goal').
Du coup est ce que je vous conseille un titre ? Non je vous conseille un album d'une grande richesse avec des thèmes forts, universelles qui vous toucheront. Welcome To The Pleasuredome est un album important dans l'histoire de la musique et important dans son contexte.
C'est un objet militant sorti à une époque où l'homosexuel est quelqu'un de différent mit à l'écart de la société. Dans les années 70 et 80 l'heure est à la révolution, des artistes ont assumé leur homosexualité (David Bowie, Freddy Mercury, Elton John…) et ont défendu leur communauté ainsi que des politiciens comme Harvey Milk.
'The World is my oyster' veut dire que le monde m'appartient et Holly Johnson a frappé juste de disant cela, le monde appartient à tout le monde.
Voir la video "Welcome to the Pleasuredome en ligne"
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