Peut-on donner une date de naissance au Heavy Metal? Qui est le tout premier groupe à avoir pousser les watts à fond et tourner les amplis jusqu'à 11? Tout le monde est à peu près d'accord pour dire que le géniteur de ce style est Black Sabbath avec le son de guitare si particulier de Tommy Iommi dû à son accident de travaille en sidérurgie lui amputant les deux phalanges.
Il est vrai que le son, l'image et les textes du combo britannique ont influencé bon nombre de groupes dans les 80's que ce soit dans le Heavy et ses sous genres (Doom, Stoner même Punk...). Oui mais voilà si on regarde un peu plus près la fin des 60's on se rend compte que le Sabbath n'a pas apporté tant de nouveautés que ça. Steppenwolf sortait des riffs en acier trempé avec "Born to be Wild" (bon ils font surtout du Rock'n'Roll, j'avoue...), le son de Blue Cheer était aussi lourd qu'un troupeau d'éléphants sur l'album Vincebus Eruptum et le diable se baladait sur Withcraft Destroys Minds and Reap Souls de Coven (on reparlera de ce groupe). Finalement le Heavy Metal devait arriver quoi qu'il en soit, dans un contexte où l'ère Hippie va bientôt disparaître. Il ne suffisait plus qu'un groupe allume la mèche pour tout embraser et ce groupe c'est Black Sabbath. Mais dire qu'ils sont les créateurs de ce style est faux, ils font parti des initiateurs les plus importants parmi d'autres groupes et l'un d'entre eux nous intéresse tout particulièrement aujourd'hui c'est Iron Butterfly.
Iron Butterfly est formé en 1966 à San Diego. Il est considéré comme le précurseur du Heavy Metal et représentant du genre le plus en vogue dans la fin des années 60, le rock psychédélique. Pour résumer, le rock psyché est un sous genre du Rock influencé par les drogues. Les musiciens, souvent sous les effets psychotropes, composent des chansons aux rythmiques simples qui se répètent pour donner un effet hypnotique et faire rentrer l'auditeur dans une sorte de transe. Le style peut se mélanger avec la pop, la soul, l'électro ou le métal. Et Iron Butterfly rentre parfaitement dans le paysage musical de l'époque avec son premier album Heavy en 1968. Le nom est trompeur car il oscille entre rock psyché et pop en cherchant néanmoins une distorsion et une lourdeur dans les riffs. Il suffit d'écouter "Iron Butterfly Theme" pour constater que les bases sont en place. Un album sympathique donc mais pas transcendant. Le Papillon de Fer va connaître un changement de line-up: exit Danny Weiss à la guitare, Jerry Penrod à la basse et Darryl Deloach aux percussions et chant (laissant Doug Ingle, le claviériste, seul derrière le micro) et bonjour au batteur Ron Bushy et Lee Dorman à la basse. Erik Brann arrivera plus tard pour la guitare. et voici une belle brochette de musiciens talentueux qui sortiront dans la même année leur magnum opus: In A Gadda Da Vida.
Un album culte des 60's et du rock en général et des plus vendus de tout les temps (25 à 30 millions d'exemplaires) avec ses lots d'interprétations sur le nom de l'album. La chanson qui donne le nom à l'album veut dire en fait "In the garden of Eden" mais Doug Ingle étant trop défoncé et ivre n'a pas réussi à le prononcer correctement alors le batteur se contenta de retranscrire les marmonnements du chanteur. Une chose que l'on constate dès le premier titre "Most Anything You Want" est que le son est plus dur, lourd et saturé. Iron Butterfly a réussi à faire un sous genre dans un sous genre: Acid Rock (ce ne sont pas les premiers à faire cela il y avait déjà le premier album de 13th Floor Elevators). Si le rock psyché est une transe agréable, un voyage dans des univers mental lointain alors l'acid rock serait sa version malade, glauque. C'est le voyage qui se transforme en cauchemar avec un violent retour d'acide. L'orgue de Doug Ingle dégouline, sature, un son qui grésille et la guitare de Erik Brann est torturée retournant votre cerveau dans tout les sens, un véritable plaisir pour vos oreilles sur vinyle (testé et approuvé).
Si la chanson éponyme est bien sûr LE titre important à écouter de l'album, il ne faut pas oublier les 5 autres morceaux qu'ils le composent. Tout et je dis bien TOUT l'album est très bon. Nous sommes en plein dans le rock animé par la guitare et l'orgue inspiré par le classique et le baroque (comme Vanilla Fudge et Deep Purple Mark 1). L'intro à la batterie de "Are You Happy" est dynamique et possède de bonne mis en place avec toujours cet orgue "malade". "Termination" est une chanson à deux voix avec Doug ingle et Erik Brann qui rend plutôt bien. "My mirage" est une ballade qui fait planer mais dure trop longtemps et peut à la fin sonner pompeux. "Most Anything You Want" est une bonne introduction qui sent bon les champignons et les cigarettes du bonheur avec ses chœurs au couplet, l'orgue qui survole le morceau et une rythmique porté par le très bon duo Ron Bushy et Lee Dorman. "Flower Beads" est une mignonne petite musique pop qui allège la lourdeur de cette galette.
Et en fin d'album, sur la face B du vinyle, le mastodonte voire le monstre qui a tout englouti sur son passage il y a 40 ans et qui continu à être diffusé dans certains films et séries (regardez l'épisode 4 de la saison 7 des Simpsons c'est très drôle). Alors qu'à la base cette chanson n'était absolument pas prévue ou écrite, c'est une improvisation de A à Z. Nous sommes le 27 Mai 1968 et nos 4 musiciens sous drogues attendent leur producteur. Ils décident alors de jammer un peu pour s'échauffer. Et miracle! Les ingénieurs du son enregistre le groupe en train de jouer. Ils improvisent sur un riff lourd, malsain, répétitif qui rentre dans la peau pour ne plus jamais en sortir. Sur ce riff Doug Ingle chante des paroles d'une grande simplicité: "In the garden of Eden baby, don't you know that i'm loving you". Il le répète deux fois pour ensuite laisser place à une improvisation pour chaque musicien. Celle qui retient le plus notre attention est la partie batterie de Ron Bushy (qui n'est pas le premeir solo de batterie dans l'histoire du Rock, il y avait déjà Ginger Baker sur le morceau "Toad" de Cream sur le premier album Fresh Cream en 1966). C'est un extraordinaire solo qui nous est offert, il est structuré, dansant, presque tribale et Ron n'étale jamais sa science en partant dans tout les sens. Il nous laisse respirer et profiter d'un effet qui n'a jamais été utilisé sur une batterie, le phasing. A la base utilisé pour les guitares et les claviers le phasing est un effet qui amplifie de façon continue un son (comme un delay). Ce qui donne à la batterie un côté cyclique, on a l'impression que les toms dansent autour de nous. Et je profite de ce point pour vous conseiller d'écouter ce morceau au casque! Il y a un travaille de la stéréo de dingue où chaque instrument bouge dans nos oreilles. Lorsqu'un instrument est seul, il est sur les deux canaux pour ensuite se déplacer sur celui de gauche et laisser un autre instru rentrer sur le canal de droite et lorsque tout le monde est réuni, le morceau plane dans nos oreilles comme si chaque musicien était une bulle qui flotterait dans notre crâne. Chaque solo est structuré, efficace et n'est pas là pour montrer la virtuosité des musiciens. C'est avant tout l'ambiance et la cohérence qui sert le morceau et pas le déferlement de notes (n'est ce pas Yngwie?). Après une improvisation d'un quart d'heure on retourne de plus belle sur le riff principal, dernier refrain et réutilisation de l'orgue en intro qui là conclut la chanson comme si elle se fermait sur elle-même et c'est la fin de In A Gadda Da Vidda.
Et la fin du groupe par la même occasion car sans le savoir Le Papillon de Fer va se brûler les ailes et ne saura pas gérer le succès de cet album (30 millions d'exemplaires, Disque Platine). Il y a un avant et un après In a Gadda Da Vida. Balls en 1969 connaîtra un bon succès aussi (n°3 des Ventes aux USA) mais Erik Brann part après sa publication. D'autres guitaristes de session le remplaceront mais le groupe est condamné à un seul titre que l'histoire retiendra. Il y a une certaine beauté là-dedans comme si le créateur n'avait plus aucun contrôle sur sa créature et se fait dévorer. Le groupe ne pourra même pas jouer à Woodstock en 1969 à cause de l'énorme embouteillage qu'a causé le festival ("poissards" vous avez dit?). En 1971, Doug Ingle quitte à son tour le groupe et c'est le premier split. Il y aura plusieurs reformations dans les années 70, 80 jusqu'en 2015 avec de nouveaux musiciens et d'ex-membre mais toujours autour du batteur Ron Bushy.
L'histoire avec un grand H retiendra In a gadda Da Vida bien après la mort de ses musiciens et l'influence de ce titre dans le monde hippie, sur le métal (Slayer et Blind Guardian en on fait une reprise ainsi que Bonney M) et dans l'histoire du Rock en général. Alors je vous conseille évidemment ce mastodonte mais écoutez les 4 premiers albums de 1968 à 1971, ça serait dommage de passer à côté d'un bon groupe de rock psyché.
Ecouter le morceau:
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